TEST – The Sinking City – Le jeu d’enquête navigue entre deux eaux



TEST The Sinking City XWFR

Qui connait les Ukrainiens de chez Frogwares sait que le studio est particulièrement actif dans le domaine du jeu d’aventure/enquête avec sa fameuse série des Sherlock Holmes. En effet, une dizaine de jeux mettant en scène le détective créé par Sir Arthur Conan Doyle sont déjà disponibles. Alors quand le studio annonce une nouvelle licence avec The Sinking City, autant dire que la curiosité s’est emparée de nombreux joueurs. Surtout que le projet est assez ambitieux : concilier l’univers de Lovecraft dans un monde ouvert où le joueur mène l’enquête, perdu entre les rêves, la folie, et des monstres sortant tout droit des pires cauchemars ! Pari réussi pour le studio à la grenouille ? Eh bien oui et non ! Explications dans ce test.

Dans cette aventure, le héros répond au nom de Charles Reed. Détective privé de profession, cet ancien militaire débarque dans la ville d’Oakmont pour enquêter sur des cas d’hystéries collectives. À peine arrivé le décor est planté : Oakmont est en proie à des inondations surnaturelles et certains quartiers sont donc recouverts par les eaux. Si notre homme tient autant à mener l’enquête sur ces cas de folies, c’est que lui-même est en proie à des visions particulièrement étranges et angoissantes ! De plus, Reed possède une capacité surnaturelle, comme une espèce de sixième sens. Il est en effet capable de voir des choses sortant dirait-on d’un autre monde, ainsi que d’avoir des visions du passé. Mais attention car « quand tu regardes l’abîme, l’abîme regarde aussi en toi » comme disait Nietzsche ! Voir trop de choses horribles ou se servir trop longtemps de cette capacité entrainera inévitablement la baisse de la jauge de santé mentale. À utiliser avec parcimonie donc.

Comme dans un Sherlock Holmes du même studio, il faudra poser des questions à différents protagonistes et enquêter sur le terrain pour boucler les affaires. Rien de bien compliqué puisque la plupart du temps, il faudra simplement ramasser des documents, des objets, ou encore prendre en photo un cadavre pour progresser. Une fois la majeure partie des indices trouvée, votre détective pourra tenter via ses capacités, de remettre les évènements dans le bon ordre, le tout dans un halo bleuté assez classe.

Difficile de se tromper puisque vous pouvez changer l’ordre des indices à tout instant même en cas d’erreur ! Pas de risque donc d’avoir une crampe au cerveau, surtout que les enquêtes ne sont pas très difficiles dans l’ensemble. Bien souvent, à la fin d’une enquête, une décision capitale vous attendra, un peu à la manière d’un Sherlock Holmes justement. Le « palais de la mémoire » (menu où l’on relie les indices) étant d’ailleurs très similaire à ce que l’on trouve dans les jeux du détective britannique.

Rapidement, on s’aperçoit qu’il est un peu compliqué de s’orienter sur la carte pour se rendre au lieu désiré. Les indications sont parfois vagues, l’interface pas toujours claire, et aucun marqueur de quêtes ne vient automatiquement vous indiquer l’endroit où aller. C’est donc au joueur de placer sur la carte les différents marqueurs grâce aux indices obtenus. Un système qui donne une certaine crédibilité au jeu, mais qui pourrait bien vous faire tourner de longues minutes dans un quartier si vous ne prenez pas le temps de bien lire vos notes en détail ! D’autant que la carte est assez grande. À contrario, la possibilité de mettre des marqueurs personnalisés est une très bonne idée. Une zone semble pleine de monstres ? Un trésor se cache dans le coin ?  Indiquez-le sur votre map grâce à l’icône « zone infestée » ou « mystère » !

Inondation oblige, vos déplacements d’un quartier à l’autre se feront souvent en bateau. Si le principe est original, les trajets sont hélas souvent longs et inintéressants puisqu’il n’y a pas grand-chose à faire en route. Et c’est là un des problèmes du jeu. Que ce soit à pied ou en bateau, la plupart des maisons que vous trouverez en chemin garderont portes closes en dehors de celles prévues pour les enquêtes. C’est dommage parce que du coup le joueur n’a plus vraiment l’impression d’être dans le monde ouvert tant vanté par le studio.

De plus, si beaucoup de personnages et voitures sont présents dans les rues, donnant l’illusion d’un monde grouillant de vie, la plupart de ces passants semblent errer sans but, empêtrés dans une IA défaillante. Entre les PNJ qui marchent contre les murs (et se bloquent dedans), et les créatures qui tournent en rond il y parfois de quoi rire ! Rajoutons à cela une bonne quantité de bugs (PNJ qui tombent du ciel ou qui marchent dans les airs, le héros qui reste coincé dans le décor, l’ouverture de la carte qui fait figer le jeu…) ou encore des textures qui apparaissent parfois à quelques centimètres du joueur, et on comprend rapidement que The Sinking City ne mise pas sur sa technique pour nous impressionner !

Mais l’atout majeur du dernier né de Frogwares, c’est bien l’ambiance qui émane du titre. Oakmont est une ville sombre, lugubre et malsaine, où des secrets terribles n’attendent que d’être découverts. Si n’importe quel amateur de jeux d’enquêtes ou d’horreurs peut aussi y trouver son compte, ce sont bien évidemment les lecteurs de Lovecraft qui seront le plus aux anges ! The Sinking City s’inspire en effet avec brio de plusieurs œuvres cultes de l’écrivain. On citera pêle-mêle :  « Dagon », « Arthur Jermyn », « Le Cauchemar d’Innsmouth », et bien entendu le grand classique « L’Appel de Cthulhu ».

La « Malbête » race monstrueuse que l’on rencontre régulièrement, semble également venir tout droit de quelques descriptions de Lovecraft dans ses récits. Hélas, le bestiaire est plutôt pauvre, puisque vous ne rencontrerez que quelques déclinaisons de ces abominations. L’impression d’affronter les mêmes ennemis du début à la fin est donc présente, surtout que les combats sont mous et ont finalement peu d’intérêts. Vous rencontrerez aussi quelques créatures sous-marines, lors de phases où le héros enfilera un scaphandre. Ces passages apportent un peu d’originalité au jeu, bien que le personnage soit parfois dur à prendre en main, notamment lorsqu’il s’agit de monter sur des rochers pour pouvoir progresser.

La bande-son, bien que discrète, parvient à faire monter le stress, accentuant de ce fait l’immersion du joueur dans cette ville où les Ténèbres et le Chaos rampent tel Nyarlathotep. On sera un peu plus dubitatif sur le bruit des armes, pas particulièrement convaincant. Mention spéciale en revanche pour le doublage Français, de très bonne facture, avec un héros sarcastique qui n’hésite pas à faire de l’humour noir ! En parlant d’humour, il conviendra de prendre quelques discussions et événements avec du recul. Les développeurs ayant fait le choix de retranscrire les années 20 sans filtre, avec notamment un Ku Klux Klan au mieux de sa forme.

Précisons que le jeu accuse quelques soucis de crédibilité, en plaçant des zones infestées de monstres à deux pas de quartiers où les citoyens vaquent à leurs occupations comme si de rien n’était ! La malbête ne vous pourchassera d’ailleurs que très rarement en dehors des minuscules zones qui lui sont dédiées. Chose amusante, les développeurs conseillent au joueur de fuir le combat et d’être discret (via un message d’aide), car les munitions sont rares. Pourtant, plusieurs missions demandent à notre détective de faire le ménage dans des habitations ! Et ce sont parfois des dizaines de monstres et bandits qui vous tomberont dessus dans la même enquête ! Les munitions descendront donc rapidement, bien que l’on en trouve régulièrement, de même que les composants pour en fabriquer. Faire la chasse aux bestioles sera donc une obligation, même si cela affecte parfois la santé mentale du héros selon l’horreur qui se tient en face de lui.

C’est après 20 heures de jeu que vous pourrez apercevoir la fin, du moins si vous ne vous concentrez que sur l’histoire principale. Plusieurs personnages n’hésiteront pas en effet à vous donner quelques enquêtes secondaires, parfois très intéressantes au demeurant. Une durée de vie plus que satisfaisante donc, bien que le jeu soit finalement assez répétitif. Trouver des indices dans une pièce, les relier, entrer dans le halo bleu, mettre les événements dans l’ordre, voilà grosso modo le déroulement type de chaque enquête. La trop grande présence des monstres, que l’on tue froidement à la chaine renforce encore la lassitude du joueur. Ces derniers auraient d’ailleurs gagnés à être davantage suggérés, comme dans les romans de Lovecraft où « l’indicible » est le maitre mot.


The Sinking City est très probablement le jeu qui rend le mieux hommage aux récits de Lovecraft. L’ambiance générale, teintée de folie, d’horreurs et de mystères, plonge le joueur dans un labyrinthe infernal de sang et d’eau. Hélas, le monde ouvert promis n’est qu’illusion, et l’aventure se révèle finalement assez dirigiste. Sur le plan technique, le titre de Frogwares ne fait pas non plus des merveilles, avec des graphismes datés, de nombreux bugs, et une IA qui fait peine à voir. Triste constat également concernant les gunfights, mous et sans saveurs. The Sinking City est donc sauvé du naufrage par son excellente ambiance et ses enquêtes, très prenantes (bien que répétitives) et une écriture particulièrement soignée.


Jeu testé sur XBOX One X à partir d’un review code fourni par l’éditeur Bigben Games

The Sinking City

59,99€
7

Graphismes

6.0/10

Son

7.0/10

Gameplay

7.0/10

Durée de vie

8.0/10

Rapport qualité/prix

7.0/10

Interêt des succès

7.0/10

Pour

  • Une ambiance fidèle aux œuvres de Lovecraft
  • Écriture générale soignée
  • Bonne durée de vie
  • Quelques enquêtes vraiment passionnantes
  • Un doublage français de qualité
  • Les années 20 retranscrites sans filtre
  • L'originalité des phases sous l'eau

Contre

  • Technique et graphismes datés
  • Beaucoup de bugs
  • Une IA défaillante
  • Le déroulement des enquêtes assez répétitif
  • Des gunfights sans intérêt
  • Un monde ouvert qui n’en a que le nom
  • Interface pas toujours claire
  • Des chargements un peu longs
   

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