TEST – We Happy Few – La pilule de Joy est dur à avaler



Après un certain Contrast en 2013 plutôt sympathique mais à la technique un peu juste, Compulsion Games est de retour avec un second titre : We Happy Few. Dévoilé depuis début 2015, ce projet des canadiens passé entre temps par Kickstarter, nous aura fait miroiter durant trois ans le rêve d’une ambiance carrément déjantée et originale à la Bioshock. Après un accès anticipé de deux ans (tout de même), We Happy Few débarque enfin en version définitive sur Xbox One. Le résultat ? Un bilan que je peux déjà vous annoncer comme étant quelque peu mitigé, cela à mon grand regret. Explications dans les lignes qui suivent.

Pensé à la base comme un jeu de survie, Compulsion Games a par la suite totalement revu sa copie pour en faire un FPS à la narration poussée. Du coup on retrouve logiquement certains éléments que le studio a choisi de garder, comme par exemple l’alternance jours/nuits, la jauge de fatigue, de faim, de soif, et un compteur vous indiquant le nombre de jours passés depuis le début de l’aventure. Si comme moi vous n’êtes pas un grand amateur des jeux de survie n’ayez pas d’inquiétudes : ces mécaniques ont peu d’impact sur le déroulement du jeu. En effet, du début à la fin, j’ai rarement eu besoin de me nourrir ou encore de dormir. Tant mieux pour moi ceci dit, car après tout cela n’est pas ma tasse de thé ! En parlant de thé, We Happy few voit son action se dérouler en Angleterre en l’an 1964. Le pays semble avoir perdu la guerre contre l’Allemagne (nous sommes donc dans une uchronie) et la population tente tant bien que mal d’oublier cette défaite (et surtout certains événements traumatisants) en consommant une drogue : la « Joy ».

Cette drogue, accessible gratuitement pour les citoyens des grandes villes comme Wellington Wells, semble en revanche interdite ou inaccessible aux habitants des campagnes. Ces derniers, surnommés les « Rabat-joie » ne sont pas non plus en odeur de sainteté dans la grande cité. Si un habitant de la ville arrête de prendre sa Joy pour une raison ou une autre, celui-ci est de suite désigné par ses camarades comme étant rabat-joie et se voit rejeté dans la nature sans autre forme de procès ! L’un de nos héros, Arthur Hastings, journaliste/rédacteur de profession, est en charge de censurer des articles de journaux. Évidemment derrière cette censure se cache un gouvernement prêt à tout pour garder ses concitoyens dans l’ignorance la plus totale. C’est alors que, hésitant depuis quelque temps déjà à prendre sa drogue, Arthur voit arriver sous ses yeux un article qui remue le passé. Le papier agit comme un électrochoc, et le journaliste jette au loin sa Joy, finissant donc logiquement par se faire rejeter. Maintenant qu’il a tout perdu, Arthur va faire appel à ses souvenirs, tout en décidant de voir le monde comme il est vraiment. Avec un synopsis aussi originale, Compulsion Games parvient d’entrée à intéresser le joueur, donnant envie à celui-ci de savoir le fin mot de l’histoire !


We Happy Few, c’est aussi la croisée des chemins entre trois personnages finalement très différents les uns des autres. Outre Arthur, vous contrôlerez ainsi une femme, Sally Boyle, et un militaire, Ollie Starkey. Si le gameplay est assez similaire d’un héros à l’autre, quelques variantes sont tout de même de la partie. Ainsi Sally devra régulièrement retourner chez elle dans un but précis (je ne vous en dis pas plus pour ne pas vous spoiler) entrainant donc bon nombre d’allers retours, qui soyons honnêtes, plombe un peu le rythme du jeu. La demoiselle se bat également différemment d’Arthur, avec des armes de sa création. Que l’on contrôle un personnage ou un autre, la drogue reste au centre du jeu. Si la Joy est une trouvaille particulièrement originale, la gestion de sa consommation se révèle mal pensée voir illogique. En effet on vous explique à différents moments qu’il n’est pas conseillé de consommer trop souvent la fameuse pilule sous peine de trou de mémoire et d’overdose. Le problème c’est qu’à côté de ça, le joueur doit pourtant régulièrement en avaler, sous peine de ne pouvoir passer des portails, de se faire détecter par des médecins (à l’odorat et à la vue qui rivalisent avec Superman) ou encore de se faire pourchasser par la ville entière qui repère en quelques secondes que vous êtes en manque !

De plus, comme les effets positifs de la Joy ne durent qu’un laps de temps très courts, on se retrouve régulièrement à devoir se planquer. Pour cela, s’assoir sur un banc derrière un journal, ou se cacher dans une poubelle suffira à se faire oublier. Du moins si vous arrivez à semer vos dizaines de poursuivants, chose très difficile à réaliser quand les rues sont bondées de dizaines de PNJ ! Des PNJ qui d’ailleurs se ressemblent un peu trop et semblent totalement clonés. Et c’est encore pire la nuit, quand, des policiers et autres machines de surveillance quadrille la ville à la recherche du moindre piéton qui oserait braver le couvre-feu ! Avec parfois quatre ou cinq représentants des forces de l’ordre dans la même rue, ne pas se faire repérer devient vite mission impossible. À moins d’attendre des heures sur un banc ou cacher dans un coin. En bref, une mécanique frustrante et loin d’être crédible !


Autre déception : le système de combat. Affronter quelqu’un et non seulement fréquent (la faute à des bugs mais je vais y revenir) mais aussi très compliqué à entreprendre. Les attaques manquent en effet de précision et les combats se révèlent brouillon au possible. De plus, il est difficile de changer d’arme en plein affrontement et de gérer efficacement son équipement. Lorsque vous ramassez des objets (comme les packs de soins ou des armes de jets par exemple) ces derniers se logent automatiquement dans des cases, accessibles avec la croix directionnelle. Le souci c’est que si vous avez plusieurs objets qui ont la même utilité, vous devrez faire défiler l’ensemble des items avant de pouvoir sélectionner celui tant désiré. Compliqué lorsqu’on a par exemple cinq ou six PNJ voulant en découdre en même temps ! L’arbre de compétence lui en revanche, est clair et bien construit.

Pour ne rien faciliter, We Happy Few est également entaché de nombreux bugs, dont certains risquent bien de venir à bout de votre patience. Tout d’abord, je ne compte plus le nombre de fois où, sans raisons apparentes, des citoyens m’ont attaqué sans prévenir. Même dans les phases d’infiltration il m’est arrivé plusieurs fois d’être repéré alors que j’arrivais accroupi et silencieusement dans le dos d’une personne ! Il est récurent également, de croiser des personnages qui se retrouvent coincés dans le décor (bancs, murs, sols…) ou tournent en rond en ne sachant plus quoi faire. À plusieurs reprises, j’ai dû relancer ma partie car des PNJ bloquaient le chemin ou n’étaient pas à la bonne place. Une contrainte qui amène à un dernier problème : la gestion des sauvegardes. Quand la save replace à l’autre bout de la ville quelques temps avant les événements actuels, ou encore, vous fait apparaitre au milieu d’un poste de contrôle en pleine alerte, cela finit par faire grincer des dents.


L’accumulation de tant de problèmes, de bugs et de maladresses, finit hélas par entacher sacrément l’expérience, au point où on se demande si le jeu n’est pas encore un tantinet en version Alpha. Et c’est bien dommage car le titre de Compulsion Games a pourtant du charme à revendre ! Si on met de côté certaines quêtes pas très passionnantes, la narration est aux petits oignons et l’ambiance qui se dégage de ce monde à la fois sombre et coloré transporte le joueur du début à la fin. La direction artistique fait aussi des merveilles et We Happy Few est de plus assez agréable à la rétine. Enfin, la bande-son est pour ainsi dire sans fausses notes et l’humour british m’a personnellement fait sourire plus d’une fois. Mais est-ce suffisant pour gommer les nombreux points noirs du jeu ? Malheureusement non.


We Happy Few est l’exemple même du jeu qui aurait mérité un temps de gestation plus long. Car malgré toutes ces années de développement et d’accès anticipé, Compulsion Games rate le coche, la faute à des bugs bien trop nombreux et à un titre qui ne sait pas sur quel pied danser. Le côté survival n’apporte rien à l’aventure si ce n’est quelques lourdeurs dans le gameplay. Nul doute que le bébé de nos amis canadiens a encore le temps de s’améliorer. Mais en attendant, la pilule passe mal, surtout qu’elle est vendue au prix fort à l’heure actuelle. À se demander si finalement, We Happy Few n’aurait pas fait davantage l’unanimité à être un « simple » Bioshock-like dont il s’inspire largement.


Jeu testé sur Xbox One X à partir d’un review code fourni par le développeur Compulsion Games

We Happy Few

69,99€
6.8

Graphismes

8.0/10

Son

8.0/10

Gameplay

6.0/10

Durée de vie

7.0/10

Rapport qualité/prix

5.0/10

Interêt des succès

7.0/10

Pour

  • Un scénario original et intéressant
  • La narration quasi impeccable
  • Une jolie direction artistique
  • Une bande-son plutôt réussie
  • L’humour British qui fait mouche
  • L’idée de la Joy…

Contre

  • … mais très mal exploitée
  • Le côté survival totalement dispensable
  • L’IA dans les choux
  • Beaucoup trop de bugs
  • Des combats brouillons et sans intérêts
  • Quelques quêtes vraiment pas passionnantes
  • L’infiltration très difficile à mettre en place
  • Gestion de l’inventaire perfectible
  • Des problèmes avec les sauvegardes
   

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